Philippe Contal : Bonjour Christian. Merci de nous accorder un peu de votre temps, alors même que vous êtes en tournée ...
Christian Salès : Bonjour Philippe. C'est toujours un plaisir de parler de sa passion, vous savez !
PC : Pouvez-vous retracer rapidement l'historique du groupe OC ?
CS : Bien sûr... Tout a commencé, il y a 7 ans, à la suite de recherches que j'effectuais sur nos racines et notre région. Je suis originaire d'Argeliers, un village situé entre Béziers et Carcassonne, j'ai grandi dans la culture du pays et parlé occitan avec les voisins, mes parents et j'ai eu besoin, un jour, d'en savoir plus sur notre histoire. La notion de paratge par exemple, de la civilisation occitane, permettant aux simples paysans comme aux chevaliers d'accéder au savoir m'intéresse énormément. Mais il ne s'agit pas de s'enfoncer dans un passé perdu, mais de l'utiliser, de s'en inspirer pour construire l'avenir. Notre principale matière première est l'imaginaire occitan médiéval. Travaillant dans le domaine de la création, nous puisons dans le passé pour réaliser des créations originales à partir d'éléments de notre patrimoine.
- Christian Salès en répétition avant le concert à Aigues-Mortes, août 2002 -
PC : Votre premier album est sorti en 1999. Aviez-vous envisagé le succès que vous connaissez aujourd'hui ?
CS : Le premier album a été réalisé, par plaisir et passion, sans aucune ambition particulière. Bien entendu, je rêvais de pouvoir transformer l'essai en concert. L'objectif de socialiser, de démocratiser la culture occitane est un objectif majeur de notre démarche, avec une mise en valeur de notre patrimoine.
PC : Combien de personnes travaillent avec vous sur ce projet ?
CS : En fait, OC est un groupe musical très familial. Dans le groupe, j'ai le plaisir de travailler avec ma femme, mon père... Au total, c'est une quinzaine de personnes qui participent à la mise en oeuvre de nos concerts. J'insiste sur le fait qu'OC est un projet global : nous réalisons nos instruments, nos éclairages...
PC : Les instruments que vous utilisez sont inspirés de ce que les troubadours utilisaient ?
CS : Mieux que cela, certains sont véritablement les mêmes instruments que ceux qui furent utilisés au moyen-âge. La Vièle à Archet, l'Organistrum, le Psaltérion... sont des instruments que nous avons fabriqué, de même que les instruments électroniques tels que le Monarc, l'OrganisDrum, le Picadaudet... Nos instruments sont organiques, ils sont vivant, même s'ils utilisent des technologies électroniques. Même les instruments électroniques comme l'OrganisDrum ont été inspirés d'une réalité historique : l'Organistrum.
PC : Ce mélange est remarquable en effet. Comment faites-vous pour retrouver les méthodes de fabrication des instruments ?
CS : Nous utilisons les ressources à notre disposition. Outre la littérature, les oeuvres monumentales sont riches d'enseignement. Nous avons ainsi pu utiliser ce que présente le Retable de
Narbonne ou la Salle des Musiciens de
Puivert. Nous utilisons très souvent des données du patrimoine, tant pour la réalisation des instruments, que les musicalités et bien entendu aussi pour les textes.
PC : De quoi est composé votre répertoire ?
CS : Nous avons autant des chansons traditionnelles, comme le
Se Canta,
Paure Carnaval que nos propres créations :
Cathar per totjorn,
Trobadors,
Bel Cavalier... Nous utilisons les textes originaux, mais nous avons choisi l'occitan moderne pour faciliter la compréhension de nos nouveaux titres au plus grand nombre. Notre répertoire est traduit en français et en anglais.
PC : Les textes qui vous servent d'inspiration sont souvent historique. Pouvez-vous nous en donner un ou deux exemples ?
CS : Bien sûr !
Bel Cavalier est une Pastorella du XIII
e siècle.
La Chanson de la Croisade ou La Canso a donné
Carcassona. En revanche, d'autres sont des créations dont l'origine est plus proche de nous. Nous avons par exemple utilisé les slogans des vignerons qui défilèrent en 1907 à Montpellier. 800 000 vignerons manifestèrent en effet pour défendre leurs intérêts et leur culture.
PC : Connaissez-vous votre public ?
CS : Pendant les concerts, il est composé à 60 % de personnes de
la région. Il s'agit le plus souvent de familles. Nous sommes toujours ouverts pour rencontrer les auditeurs après les concerts. Outre les dédicaces traditionnelles, c'est un moment important à partager avec le public. L'an passé, nous avons réussi à faire venir 20 000 personnes à nos concerts. C'est une grande réussite de pouvoir faire venir 500 personnes à
Lastours ou 1 000 à
Minerve. Ces lieux majestueux donnent une ambiance remarquable à notre musique.
PC : Quels sont les projets ? Pouvons-nous avoir quelques informations des coulisses ?
CS : Certains projets sont très avancés, comme notre deuxième album, qui sortira début 2003. Il est d'ores et déjà enregistré, mais nous devons le finaliser avant de le commercialiser. Dans un autre cadre, nous souhaitons étendre notre activité de concerts sur l'Arc Méditerranéen. La culture occitane ne se réduit pas à une ou deux régions françaises. On retrouve des descendants de cathares et troubadours qui s'étaient réfugié en Italie. On retrouve même un village occitan en Calabre :
Guarda Piemontese. Alors pourquoi ne pas faire un concert là-bas ? En voyageant, on a une meilleure compréhension des flux culturels, on comprend mieux l'universalité de notre culture.
PC : Auriez-vous une conclusion, une note personnelle ?
CS : «La vie ne passe qu'une fois, il faut vivre pleinement et ayant la sensation de bien utiliser son temps.»
PC : Merci Christian. A bientôt pour les concerts... en attendant le prochain album.