Présentée souvent comme une religion ayant hérité du
courant de pensée manichéen, le
catharisme repose essentiellement sur une approche duale de la réalité. Cependant, il ne faut pas en déduire trop rapidement que le
catharisme et le
manichéisme sont reliés. Des points communs entre deux courants de pensée ne signifient pas une origine commune, ni même un lien de filiation.
Les
ressources littéraires à notre disposition aujourd’hui sont malheureusement le plus souvent trop tardives pour prétendre présenter la réalité de la
pensée cathare. Le
Livre deux Principes par exemple, vraisemblablement composite, daterait des environs de
1254 ou
1280. Le
Rituel serait de la même époque. Les autres ressources documentaires, le plus souvent issues des interrogatoires menés par l’inquisition lors de la chasse aux
cathares dans le
Languedoc, ne peuvent pas être prises au sérieux pour ce qui est de la connaissance de la
pensée cathare. Les détracteurs - et destructeurs - d’une civilisation ne peuvent faire preuve d’objectivité vis à vis de leurs victimes et de leurs idées ...
Dans ce contexte, le plus sûr est de chercher à comprendre la
pensée cathare au travers des comportements précédant la
Croisade contre les Albigeois. Le fait de ne pas matérialiser de lieu de prière (pas d’église), le fait de parcourir à deux la région afin de prêcher, ... peut laisser penser que la
religion cathare était essentiellement une expérimentation personnelle de la Vie. Les rituels observés dans le
mouvement cathare rejoint en de nombreux points l’église chrétienne primitive, notamment par la hiérarchisation à trois niveaux : les
auditeurs, les
croyants et les
élus. Les deux derniers échelons étant passés par une imposition des mains, baptême de l’esprit. Y a-t-il eu une rupture historique entre l’église primitive et le
mouvement cathare occitan ?
Nul ne peut réellement répondre à cette question du fait qu’aucune trace ne peut être retrouvée aujourd’hui concernant une éventuelle filiation. Les
cathares languedociens invoquaient une continuité des apôtres jusqu’aux
parfaits de leur époque. Mais comment en être certains ? Et cela est-il si important de la savoir ... ?
La
pensée dualiste est trop souvent présentée comme une approche simpliste de la réalité : un Dieu Bon et un Dieu Mauvais. Le véritable
dualisme tente plutôt de distinguer les
moyens des
objectifs, le matériel du spirituel. Il ne s’agit pas de positionner le monde dans lequel nous vivons comme un monde mauvais, mais de lui donner da place réelle :
un lieu de vie et d’expérience des âmes, emprisonnées dans des corps matériels. On comprend mieux le lien entre dualisme et
réincarnation.
La principale
Erreur de l’Homme consiste à confondre sa raison d’être avec son état temporaire. L’homme incarné n’a pas comme mission terrestre son seul bien-être matériel. La vie, champ d’expérience, permet le développement de l’âme. L’univers matériel est caractérisé par les
cathares comme instable et donc non permanent. Quoi de plus vrai pour la société dans laquelle nous vivons ?
Le
catharisme ainsi présenté est beaucoup plus accessible. Une discussion récente avec un moine catholique m’a appris beaucoup de choses. La définition que faisant ce personnage remarquable des
pièges de la vie était la suivante :
«un piège, c’est ce qui vous détourne de l’Essentiel». On arriverait même à concilier cette définition avec le
catharisme. L’
Essentiel étant le développement de l’âme et son accession à l’état de grâce, l’univers matériel est rempli de pièges : le mode de vie véhiculé par les médias, les valeurs de notre société, l’argent, ... autant de pièges qui deviennent facilement des objectifs pour beaucoup d’entre nous.
La vie monastique est moyen d’éviter les pièges ... le fait de parcourir inlassablement le
Languedoc en portant la Bonne Parole et en aidant les personnes souffrantes peut l’être aussi.
Guilhabert de Castres, personnage capital du
catharisme toulousain vivait ainsi, en dehors des périodes troublées par les actions militaires de la
Croisade.
Remarquons au passage que
le propre de l’expérience est de ne pas pouvoir être transmise. En effet, l’expérience se vit, elle ne s’explique pas ... et c’est la principale raison pour laquelle beaucoup de choses sont à refaire à chaque génération.
Ne pas confondre moyen et objectif ... voici probablement une des clefs essentielles à la compréhension de la
pensée cathare. Bernard Gui, inquisiteur du XIV
ème siècle présentait le
Consolamentum comme une singerie du baptême de l’eau (
Manuel de l’inquisiteur). Voici une interprétation tardive qui ne manque pas d’ajouter des éléments à notre réflexion. Le temps passant, l’interprétation de l’interprétation fait grandir l’écart entre la pensée originelle et ce que nous en comprenons aujourd'hui.
Voici donc une autre approche du
dualisme cathare ...
Pour en savoir plus ...
- Livre des Deux Principes
Sources Chrétiennes, les éditions du Cerf, 1973
- Rituel Cathare
Sources Chrétiennes, les éditions du Cerf, 1977
- Ecritures cathares
Editions du Rocher, 1994
Quelques livres dont le contenu est le plus souvent inspiré des livres cités plus haut :
- Rituels cathares
Michel Gardère
Éditions de La Table Ronde, collection «Les petits livres de la sagesse», 1996
- Le Consolament Cathare
Philippe Roy
Éditions Dervy, 1996
- Histoire et doctrine de la secte des cathares
Charles Schmidt
Editions Jean de Bonnot, 1996
- La religion des Cathares
Jean Duvernoy
Éditions Privat, 1992
(2 tomes : La religion des cathares et L'histoire des cathares)
- Le livre secret des cathares
Edina Bozoky (édition, critique, traduction et commentaires)
Editions Beauchesne, Paris, 1990